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Centre de Recherche et d'Etudes pour l'Art Préhistorique Emile Cartailhac

   

 

La grotte de Marsoulas (Haute-Garonne)

     Située au coeur des Pyrénées, accessible et de découverte ancienne, Marsoulas n'en demeurait pas moins une grotte en grande partie inédite. Depuis une douzaine d'années, la reprise de l'étude du site a permis d'accroître considérablement la connaissance des peintures et gravures pariétales et celle du contexte archéologique, tout en précisant les liens avec d'autres régions, notamment le Périgord et le Nord de l'Espagne vers 13000 avant J-C. Marsoulas apparaît d'ores et déjà comme un monument important et méconnu du patrimoine préhistorique.

Une découverte historique

La grotte de Marsoulas se trouve en Haute-Garonne, à environ 80 km au sud de Toulouse, non loin de Salies-du-Salat. Elle est fermée au public pour des raisons de conservation. De dimensions modestes, cette galerie rectiligne atteint un développement total de 90 m, mais la partie ornée ne dépasse pas 50 m (Fig. 01). Elle se présente comme un couloir dont la section est un triangle rectangle (3 m de large x 4 m de haut environ) ; son côté gauche est toujours vertical tandis que le côté droit, fortement incliné, forme la voûte (Fig. 02).

À 29 m de la porte, une étroiture marque le passage vers une zone de circulation où il faut s'accroupir puis ramper. À partir de 40 m de l'entrée, le sol s'incline en pente abrupte jusqu'au lit actuel du ruisseau (Fig. 03). La première partie de la grotte jusqu'à l'étroiture était occupée par un important remplissage contenant des couches archéologiques, dont certaines recouvraient des dessins à la base des parois. Les premières gravures conservées se trouvent à 3 m de la porte actuelle.

Première grotte à peintures préhistoriques signalée dans les Pyrénées en 1897, Marsoulas a joué un rôle important dans le débat animé qui, au tournant du siècle, opposait partisans et adversaires de l'existence d'un art “antédiluvien”. Malgré sa persévérance, l'inventeur Félix Regnault (Fig. 04) ne parvient pas à convaincre ses contemporains que les peintures « à la sanguine » comme on disait alors, datent bien du Paléolithique. Elles ne furent authentifiées qu'à l'occasion d'une visite de Émile Cartailhac et Henri Breuil le 4 août 1902, au retour du congrès de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences à Montauban, qui marqua la reconnaissance officielle de l'art pariétal paléolithique par la communauté scientifique mondiale. Marsoulas fut classée Monument historique en janvier 1910. Cette brève notoriété fut, pour la grotte, le début d'une longue histoire de recherches et de fouilles. Pourtant, une bonne part de l'art pariétal restait inédite, en raison de l'état de conservation variable des peintures, de la finesse et de la densité des gravures et, enfin, des graffitis qui défigurent certains panneaux (Fig. 05).

En 1998, après une évaluation très positive du potentiel scientifique, une équipe dirigée par Carole Fritz avec la collaboration de Gilles Tosello a repris l'étude du site. En s'appuyant sur les travaux antérieurs, notamment ceux de Cartailhac, Breuil et Plénier, l'objectif s'est orienté non seulement vers une révision complète de l'art pariétal mais aussi vers une recherche de l'évolution globale de la grotte au cours du temps. La cavité, dont le sol a conservé d'abondants vestiges de la vie quotidienne des artistes préhistoriques, a connu une intense fréquentation humaine sur une période relativement courte que le contexte archéologique permet de dater autour de 15 000 ans, au début du Magdalénien, le réseau culturel le plus largement diffusé en Europe à l'époque. Les sites datés de cette période sont rares dans le Sud-Ouest européen.



Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4: Portrait de Félix Regnault, qui découvrit les peintures de Marsoulas en 1897

Fig. 5

Des fresques fragiles

L'art de Marsoulas est en général de lecture difficile. Pour le visualiser, les photographies s'avèrent insuffisantes. Il faut alors procéder au relevé graphique de la paroi ornée. Les opérations de relevé, systématiques et rigoureuses, sont fondées sur le respect des impératifs de conservation de la grotte. Cette règle interdit tout contact avec les parois (cf. Méthodes appliquées aux relevés).

Les méthodes d'étude de l'art rupestre évoluent sans cesse et depuis une dizaine d'années, les techniques de scan 3D sont connues et appliquées dans plusieurs abris sous roche ou grottes, dont Marsoulas. L'ensemble de la cavité a été scanné, avec une précision variable (2 mm pour les zones ornées et 1 cm pour les autres). Nous avons ainsi pu tester l'intérêt de la 3D pour les techniques de relevés. Une partie de la galerie a été photographiée pour permettre le « matching » (collage) des clichés sur le modèle numérique. L'accent a été mis sur le Grand Panneau Peint pour archiver le secteur le plus riche et être en mesure, si nécessaire, de le reproduire. Ces montages (orthophotographies) sont aussi utilisables comme supports des relevés qui à leur tour peuvent être numérisés et replacés sur le modèle numérique.

Les images 3D autorisent aussi une restitution virtuelle des parois. Avec l'accord de la DRAC Midi-Pyrénées, une partie de ces images 3D a été utilisée dans un film documentaire sur la grotte (“Marsoulas, la grotte oubliée”). On a pu ainsi proposer, pour la première moitié de la galerie, une vision “restaurée” des peintures et gravures après élimination des graffitis et destructions naturelles (voir un extrait du film: Marsoulas en 3D).

En 2009, une autre application 3D a permis de sculpter par fraisage numérique la reproduction d'une section de paroi de Marsoulas et la réalisation d'un fac similé du Grand Panneau Peint (7 m x 3 m), exposé au public dans le cadre de l'exposition "Art des Origines, Origines de l'Art" (2009-2011) au Parc de la Préhistoire de Tarascon-sur-Ariège (Fig. 06) (cf. Expo Parc de la Préhistoire de Tarascon-sur-Ariège).


Fig. 06 : Fac-similé du Grand Panneau Peint de la grotte de Marsoulas (longueur 7,30 m), Restitution d'un état originel des fresques, visible au Parc de la Préhistoire de Tarascon-sur-Ariège. Réalisation G. Tosello / Atelier Dalis. Financement : Conseil général de l'Ariège. Voir le Grand Panneau Peint de Marsoulas.

Les recherches en cours

À la fin de la campagne 2009, nous estimions que la cavité renfermait environ 120 m2 de surfaces ornées, les deux tiers situés sur la paroi gauche.

Lorsque l'on compare les dénombrements publiés et les données recueillies depuis dix ans sur les panneaux relevés ou prospectés, l'iconographie du site se trouve profondément modifiée. Tout d'abord, le total passe de 102 à plus de 210 animaux et humains. Le nombre des figures se trouve donc, au minimum, doublé puisque l'étude n'est pas achevée ; les signes passent de 32 à 50 unités. Le bison domine (60 %), suivi par le cheval (20%) puis les humains (12,5%) stylisés ou schématisés (Fig. 7). On trouve ensuite le bouquetin (4%) et des animaux plus rares comme le renne (1,5%), la biche (1%), l'isard (1,5 %), le lion (1%), le renard (0,5%) et la chouette (1%). À l'augmentation des effectifs correspondent une diversification et un changement significatif dans les proportions des espèces : autrefois publiés en nombres équivalents, les bisons sont en fait trois fois plus abondants que les chevaux.

Depuis 1998, les panneaux étudiés (totalisant 46 m2) ont été choisis dans les deux secteurs distincts de la grotte, de part et d'autre de l'étroiture des 29 m. L'avancement de la recherche peut ainsi mettre en lumière d'éventuelles particularités thématiques ou stylistiques dans les deux secteurs, l'un proche du jour, l'autre situé dans la partie la plus profonde de la galerie. Bien que la structure générale de l'iconographie soit proche, avec le bison dominant suivi du cheval et la présence de signes rouges, on relève dans la première moitié de la grotte l'absence de l'humain, d'autant plus remarquable que le thème apparaît ensuite avec une certaine fréquence. Nous aurions là un indice de différenciation entre les deux moitiés de la galerie, les humains se concentrant vers le fond.

Malgré un foisonnement des œuvres dès l'entrée et les superpositions denses de figures, le dispositif pariétal s'est mis en place sur une période de temps assez courte, car on ne perçoit pas de rupture stylistique. Le décor a été élaboré en plusieurs étapes, mais dans une même unité culturelle. L'iconographie de la grotte se range dans une phase du Magdalénien pyrénéen que divers indices archéologiques et pariétaux situent entre 12500 et 13000 avant J-C. Parmi d'autres analogies, les chouettes de Marsoulas rappellent les spécimens des grottes voisines des Trois Frères, du Portel ou des Églises. L'insertion de Marsoulas dans l'ensemble magdalénien ariégeois se confirme. Cependant, les assemblages de grands signes rouges (Fig. 08) ou des détails stylistiques sur les bisons et chevaux évoquent des œuvres de l'Espagne cantabrique (Fig. 09), au Castillo ou à Altamira par exemple, mais aussi le Périgord.

Fig. 7

Fig. 8

Fig. 9

Perspectives

Comme on le voit, beaucoup de travail a été accompli depuis dix ans mais beaucoup reste à faire. C'est une tâche de longue haleine mais chaque nouvelle mission apporte son lot de découvertes et les perspectives sont excellentes. Parmi nos priorités figure bien sûr les progrès de la recherche scientifique sur le site mais aussi la diffusion des résultats vers d'autres publics.

Depuis 1998, les recherches sont financées par la DRAC Midi-Pyrénées (Service Régional de l'Archéologie) (80 à 100%). Le Conseil Général de la Haute-Garonne a participé au financement jusqu'en 2007 (15 à 20%).

De jeunes chercheurs stagiaires participent chaque année aux recherches à Marsoulas et acquièrent une formation aux méthodes d'étude de l'art des cavernes. Les difficultés liées au déchiffrement des figures mais aussi la diversité des techniques picturales, des dimensions des panneaux... rendent le travail à Marsoulas très formateur comme cela nous fut démontré au cours d'ateliers pédagogiques organisés en partenariat avec le CNRS de 2004 à 2007. Nous souhaiterions poursuivre et développer ce volet de formation aussi bien dans la grotte que dans les phases suivantes (infographie, traitement des données etc...).


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