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Centre de Recherche et d'Etudes pour l'Art Préhistorique Emile Cartailhac

   

 

La Baume-Latrone (Gard)

     L'étude de l'art pariétal de Baume Latrone, autorisée par le Service Régional de l'Archéologie de la DRAC Languedoc-Roussillon, bénéficie de l'aide de la commune de Russan-Sainte-Anastasie, propriétaire de la grotte, de la région Languedoc Roussillon et du conseil général du Gard.

Composition de l'équipe

     Responsable scientifique

  • Marc Azéma, docteur en préhistoire associé à l'UMR 5608 (TRACES/CREAP/UMR5608/Toulouse Le Mirail)
     Collaborateurs
  • Bernard Gély, préhistorien au Service Régional de l'Archéologie Rhône-Alpes
  • Raphaëlle Bourrillon, docteure en préhistoire au Laboratoire de Recherche TRACES (UMR 5608, CREAP (Université Toulouse le Mirail)
     Intervenants
  • Jean Clottes, conservateur général honoraire du Patrimoine
  • Eric Varel, David Lhomme, Bertrand Chazaly et Marion Saillant de la société ATM3D, chargés de la saisie tridimensionnelle et de son traitement
  • Alain Dubouloz, photographe
  • Jean Gence, doctorant à l'Institut des sciences de l'évolution (spécialité analyse paléo-biologie) de l'Université de Montpellier-2

Historique

     La grotte de la Baume Latrone est l'une des cinq grottes ornées du département du Gard (Baume Latrone, grotte Bayol, grotte d'Oulen, grotte Chabot, grotte des Points). Creusée dans le calcaire crétacé de type urgonien des gorges du Gardon, à trois kilomètres en aval du petit village de Russan (commune de Sainte-Anastasie), cette cavité fait partie d'un complexe karstique assez étendu comprenant d'autres grottes (Frères, Saint-Joseph, Citerne). Elle s'ouvre, par un double porche, sur une corniche en bordure du plateau.

     La Baume Latrone a été classée Monument Historique en 1941 (arrêté du 19 mai 1941), mais la cavité était connue depuis longtemps. En 1890, le colonel Pothier fouille l'entrée (salle d'entrée éclairée) et met au jour des couches archéologiques contenant des céramiques et d'éventuels vestiges du Paléolithique supérieur. Il faut attendre 1940 pour que l'art pariétal soit révélé. Cette année-là, un groupe de lycéens nîmois s'engouffre dans la galerie. Après 80 mètres de marche, ils atteignent le fond de la galerie bouchée par un dépôt argileux. Après l'avoir désobstrué, ils pénètrent dans le restant de la cavité jusqu'alors inconnue. Ils découvrent les images pariétales, principalement le Grand Plafond.

     Prévenu de cette découverte, le comte Henri Bégouën envoie A. Glory et P. Fittes pour authentifier ces images. Vu l'intérêt et l'originalité des oeuvres, une première étude est conduite en 1940 et publiée en 1941. Dans les années 50, le colonel M. Louis, directeur des Antiquités préhistoriques du Languedoc, confie au docteur E. Drouot de reprendre l'étude de la cavité. En parallèle, M. Louis reprend les fouilles de la salle d'entrée pour retrouver les vestiges identifiés par le colonel Pothier en 1890. L'ensemble de ces résultats est publié en 1953 (Louis & Drouot 1953).

 

Fig. 1. Baume-Latrone :
porche d'entrée
(cliché J. Clottes)

     Dès la découverte des œuvres pariétales, la grotte souffre du passage des hommes et subit des actes de vandalisme. Les galeries et la zone ornée sont dégradées au fil des visites clandestines. Depuis 1976, la grotte est surveillée par la Direction Régionale des Antiquités Préhistoriques. Enfin, en 1980 le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques missionne un restaurateur d'œuvre d'art qualifié, Isabelle Dangas, qui procède à un nettoyage des parois vandalisées.

Topographie

     La topographie montre un développement assez important. Les témoignages pariétaux apparaissent après 240 mètres de progression sous terre plus ou moins difficile. Les figures actuellement recensées ornent en grande partie les parois ouest de la Salle Bégouën. Le Grand Plafond ou plafond peint représente l'ensemble graphique le plus spectaculaire.

Les œuvres pariétales

     L'art pariétal est concentré dans la Salle Bégouën, quelques signes noirs ornant le petit diverticule adjacent. La composition principale est appelée « panneau des peintures » ou « Grand Plafond ». Une grande représentation de félin (3 mètres) occupe le centre. Elle est entourée d'un groupe de mammouths et d'un cheval probable. Le style de ces images est assez particulier, le profil des animaux est réduit à l'essentiel, certains détails anatomiques étant négligés. Plusieurs conventions sont employées : silhouette en profil absolu avec représentation d'un seul membre par paire dépourvu d'extrémité, perspective tordue pour les cornes et les défenses, absence de pelage...Quelques mains positives sont également à signaler.

      
Fig. 2 et 3. Le Grand plafond de La Baume Latrone

     Les figures sont réalisées à l'argile, appliquée avec les doigts dans leur grande majorité. Cette technique polydigitale à larges bandes fait l'originalité de la décoration pariétale de Baume-Latrone. L'extrémité des doigts, plus ou moins serrés entre eux, est chargée d'argile puis appliquée sur le support. La main devient ainsi une sorte de pinceau qui laisse sur la paroi des traces parallèles, trois ou quatre suivant le nombre de doigts au contact avec la roche. Cette technique est unique dans l'art pariétal paléolithique. Quelques-unes sont également tracées au doigt profitant d'un support meuble ou gravées à l'aide d'un burin.

Technques de relevés

     Deux méthodes de relevé sont utilisées à la Baume-Latrone : le relevé classique sur photographie et le relevé d'après orthophotographie.

  • Le relevé sur photographie : voir Méthodes de relevés
  • Le relevé sur orthophotographie

  •      Grâce à l'aide financière de la Région Languedoc Roussillon et du Conseil Général du Gard, nous avons pu bénéficier des services de la société ATM3D pour procéder à la première tranche de numérisation tridimensionnelle. Le scan s'est concentré sur le Grand Plafond et a permis de générer les orthophotographies qui serviront de support au relevé graphique classique.

     


    Fig. 4. Relevé sur photographie face à la paroi (M. Azéma).
    Cliché Raphaëlle Bourrillon


         Notre ambition est d'utiliser tous les moyens actuels d'imagerie pour réaliser des relevés les plus précis possible des représentations, tant d'un point de vue métrique, analytique que graphique.

         Dans cette perspective, les techniques du scan laser 3D ont plusieurs fonctions :

    - obtenir un modèle numérique de terrain (MNT), des parois ornées dans ce cas précis, sur lequel seront texturés différents états de la paroi.

     


    Fig. 5. Saisie tridimensionnelle des figures du Grand Plafond avec le numériseur Optinum.
    Cliché Marc Azéma

    - générer des orthophotographies (association avec prise de vue photographique -A. Dubouloz-) pour servir de support aux relevés de terrain (suivant les méthodes classiques) puis à leur mise en forme en étant replacé comme une texture dans le modèle virtuel. La phase suivante complémentaire à notre étude consistera à retravailler par l'outil 3D le relevé de terrain afin de restaurer virtuellement le Grand Plafond, comme nous l'avons déjà fait avec Gilles Tosello, Carole Fritz et Olivier Moreau (Archéologia 2009) pour le Grand Panneau de Marsoulas (cf. Grotte de Marsoulas).

          
    Fig. 6 et 7. Exemple de numérisation du grand félin et d'orthophotographie du mammouth n°11


    Attribution chronologique

         Malgré l'impossibilité de cerner assez précisément la ou les périodes de fréquentations humaines de la cavité, ceci en raison de l'absence d'artefact significatif et de charbon de bois, tous les auteurs s'accordent cependant pour attribuer la décoration à une phase ancienne de l'art pariétal : entre un « stade initial » de l'Aurignacien (Bégouën 1941, p. 121 ; Breuil 1952, p. 212 ; Louis & Drouot 1953, p. 27) et le Solutréen inférieur (Combier 1984a, p. 331 ; Colomer 1987, p. 13), ce qui couvre environ 15 millénaires (entre 35000 et 20000 BP). De même, sur la base des relativement nombreux recouvrements entre figures animalières et motifs abstraits, le dispositif pariétal a pu être jugé comme diachronique, par exemple rattaché au Gravettien supérieur et au Solutréen inférieur (Drouot 1968, p. 157 ; Drouot 1984, p. 339).

         En l'état des connaissances et avec toutes les réserves nécessaires quant à la validité d'une « classification chrono-stylistique », ces attributions chrono-culturelles antérieures sont toutes globalement recevables. D'autant plus que, régionalement, toutes les phases culturelles du Paléolithique supérieur sont effectivement bien représentés dans la vallée du Gardon et ses environs, depuis le « Proto-Aurignacien » jusqu'au Tardiglaciaire (Debard, Bazile & Lhomme 1996 ; Gély 2005).

    Bibliographie

  • AZÉMA M. (2006). La Représentation du mouvement au Paléolithique supérieur. Apport du comparatisme éthographique à l'interprétation de l'art pariétal, Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 103, n° 3, p. 479-505.
  • AZÉMA M., GELY B. et LHOMME D. (2010). La grotte ornée paléolithique de la Baume-Latrone (France, Gard) : la 3D remonte le temps... in L'Art Pléistocène dans le monde, Pré-actes du Congrès de l'IFRAO, septembre 2010, Tarascon-sur-Ariège (pdf).
  • BÉGOUËN H. (1941). La grotte de La Baume Latrone à Russan-Sainte-Anastasie (Gard). Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, XX, p. 101-130 et 6 pl. h-t.
  • BREUIL H. (1952). Quatre cents siècles d'Art pariétal : les cavernes ornées de l'Age du Renne, F. Windels, Montignac, 417 p.
  • CLOTTES J. & AZÉMA M. (2005). Les Félins de la grotte Chauvet. Paris, Éd. Du Seuil, 126 p., 80 fig.
  • COLOMER A. (1987). La Baume Latrone. Courrier archéologique du Languedoc- Roussillon, 28, 1987, p. 13.
  • COMBIER J. (1984a). La grotte d'Oulen à Labastide-de-Virac (Ardèche) et le Garn (Gard), in L'art des Cavernes, Paris, Ministère de la Culture - Imprimerie nationale, p. 327-332.
  • COMBIER J. (1984b). La grotte de la Tête-du-Lion à Bidon (Ardèche), in L'art des Cavernes, Paris, Ministère de la Culture - Imprimerie nationale, p. 595-599.
  • DEBARD E., BAZILE F & LHOMME G. 1(996.). Chrono-stratigraphie et paléoenvironnement du Paléolithique supérieur en Languedoc rhodanien, in La vie préhistorique, Dijon, Faton, p. 268-273.
  • DROUOT E. (1968). L'art pariétal paléolithique du Languedoc méditerranéen, in La Préhistoire, problèmes et tendances, Paris, C.N.R.S., p. 145-160.
  • DROUOT E. (1984). Grotte de La Baume Latrone, in L'art des Cavernes, Paris, Ministère de la Culture - Imprimerie nationale, p. 333-339, 12 fig.
  • FRITZ C., AZEMA M., TOSELLO G., MOREAU O. (2009). Grotte de Marsoulas, des fresques de 15 000 ans restaurées virtuellement, Archéologie, n° 464, p. 22-31.
  • FRITZ C. & TOSELLO G. (2007. The hidden meaning of forms : methods of recording paleolithic art, Journal or Archeological Method and Theory, vol. 14, n° 1, p. 48-80.
  • GELY B. (2005. La grotte Chauvet à Vallon-Pont-d'Arc (Ardèche). Le contexte régional paléolithique. Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 102, n° 1, p. 17-33.
  • GELY B. & AZÉMA M. (2005). Les Mammouths de la grotte Chauvet. Paris, Éd. Du Seuil, 116 p., 75 fig.
  • LEROI-GOURHAN A. (1965). Préhistoire de l'art occidental. Paris, Mazenod, 482 p., 739 photos, 804 fig.
  • LOUIS M. et DROUOT E. (1953). Les Baumes Latrone. Cahiers ligures de Préhistoire et d'Archéologie, 2, p. 3-137.
  • MAUPEOU C. de & ROUDIL J.L. (1989). Problèmes d'intervention dans les grottes ornées : nettoyage, intervention, conservation. Exemples : Sainte-Anastasie (Gard), La Baume Latrone, in L'art pariétal paléolithique : actes du Colloque de Périgueux-Le Thot 19-22 novembre 1984, Paris, Ministère de la Culture, p. 214-249, 11 fig.
  • RUPPEL A. (1979). Labaume-Latrone : zustand der malereien und neue entdeckungen in einer paleolithischen hole frankreichs, Archäologisches Korrespondenzblatt, 9, 1979, p. 143-146, fig.

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